Comment remédier à la grossophobie ?

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Croiser par hasard une personne très corpulente s’apparente à une rencontre du troisième type : on peine à contenir son étonnement, on ressent même parfois une pointe d’effroi. C’est comme si elle débordait ou excédait l’humanité ordinaire. Les gens raisonnablement gros, si l’on ose dire, ne provoquent pas des réactions aussi fortes ; ils peuvent passer inaperçus même s’ils ne répondent pas aux canons de beauté en vigueur.

Ce premier mouvement de surprise ou de dégoût est la première violence que ressent la personne obèse, qui n’a nulle part où se cacher. Impossible de se dérober à ces regards inquisiteurs, vaguement teintés de pitié ou lourds de reproches. Elle aimerait sans doute se faire toute petite, mais elle sature bien malgré elle l’espace. Le pire est qu’elle a conscience d’être spontanément dépersonnalisée, réduite à une masse inerte et molle, “identité” grossière qu’elle n’a évidemment pas choisie. On peut être épais et fin à la fois, mais comment défier les préjugés immédiats de ceux qui, bien qu’eux-mêmes en surpoids, jugent pourtant cette grosseur-là excessive ? Comment, en effet, faire valoir sa subjectivité lorsqu’on est prisonnier d’un corps surdimensionné, que l’on a du mal à manœuvrer ? Il faudrait pouvoir faire abstraction de cette enveloppe envahissante, mais son hypervisibilité fait écran et empêche toute présomption de normalité.

Une discrimination précoce et constante

Il est d’autant plus difficile d’oublier sa rondeur manifeste quand elle est apparue tôt. Le jeune enfant en surpoids a droit à d’incessantes remarques – ses parents aussi d’ailleurs, que l’on culpabilise allégrement – comme si le tour de taille éclipsait tout le reste. Un destin terrible de tête de turc, des autres enfants mais aussi d’adultes insensibles et cruels, se profile ainsi dès le plus jeune âge.

Cette stigmatisation précoce et continuelle est comme une marque au fer rouge dont on ne pourra par la suite se défaire facilement. Si les blessures précoces d’amour-propre sont si profondes, c’est[...]

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À propos de l’auteur

Professeur de philosophie et d’éthique appliquée, PARIS.