Les risques du principe de précaution en pédiatrie

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Les pédiatres connaissent mieux que quiconque la charge affective qui s’attache à leur exercice professionnel. La figure de l’enfant, en particulier dans les sociétés occidentales contemporaines, constitue un des enjeux émotionnels majeurs de notre vie collective. À ce titre, le champ de la santé de l’enfant est particulièrement miné, et il est l’objet de demandes d’application incessantes d’un principe de précaution.

Pour n’en prendre qu’un des exemples les plus loufoques : au mois de mars 2009, un certain nombre d’habitants de la ville de Saint-Cloud exprimèrent leur colère contre l’opérateur de mobile Orange qui venait d’installer trois antennes près de la résidence des Boucles-de-la-Seine. Certains habitants manifestèrent rapidement des symptômes inquiétants : maux de tête, saignements de nez, sensations étranges comme celle d’avoir un goût métallique dans la bouche… Les médias se saisissent de l’affaire et du JDD à l’émission de Paul Amar sur France 5 Revu et Corrigé, en passant par Le Parisien, narrèrent le calvaire de ces riverains tentant sans succès d’utiliser des filtres de protection contre les ondes. L’un d’eux déclarent même : “Parfois les antennes sont arrêtées. Je sens bien en ce moment même qu’elles sont en marche” [1]. Les habitants demandèrent donc une application du principe de précaution, en particulier – et c’était là un argument qui ne paraissait pas souffrir la contradiction – parce que les enfants de l’école maternelle auraient pu être exposés aux effets supposés nocifs de ces ondes. Cette affaire est en fait très embarrassante, surtout pour les plaignants et les commentateurs pressés. Ainsi, lorsqu’on leur posa la question, les responsables d’Orange firent savoir que les baies électroniques du traitement du signal n’étaient pas encore installées et que le raccordement au réseau électrique n’avait pas encore eu lieu. Bref, ces antennes étaient inactives et n’émettaient aucune onde ! Ce qu’il s’était produit à Saint-Cloud, c’était une épidémie de symptômes ressentis, mais non un problème sanitaire créé par les ondes.

La perception profane de l’incertitude et des dangers est loin d’être objectivement rationnelle, mais elle risque de déraper plus encore dès lors qu’elle prend pour sujet l’enfance, lequel cristallise une partie des craintes contemporaines. Ainsi, les abus du recours au principe de précaution, qu’avec mon collègue Géhin [2] nous avons proposé de nommer le “précautionnisme”, paraissent légion.

Rapportons-nous à la lettre de ce principe, tel qu’il fut constitutionnalisé en 2005 : “Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application[...]

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À propos de l’auteur

Université Paris Diderot, PARIS.