J’aurais voulu…

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J’aurais voulu, en cette fin d’année, proposer à Réalités Pédiatriques un billet qui ne soit que sérénité, étonnements émerveillés, ENFANCE. Un billet de souhaits de belles perspectives pour un métier que l’on aime, pour des relations humaines apaisées, pour des motivations retrouvées. En tous domaines.

Je ne le peux encore. Et, j’ai mal.

J’ai mal parce que, sous couvert d’efficacité, de rendements, de règlements, de contrôles, d’évaluations d’indices capacitaires, de réunions programmées inutiles, de procédures déshumanisées, se multiplient partout les signes de maltraitance des temps d’écoute, d’aveuglement des regards, de méconnaissance des mots qui
rassurent.

J’ai mal parce que j’entends les témoignages renouvelés d’équipes soignantes soumises à des ordres hiérarchiques dissimulant l’impuissance face aux conditions d’accueil des enfants, aux nécessités de transferts multiples, aux programmations
différées d’examens ou d’interventions dont l’attente est épreuve. Autant d’instructions se réfugiant derrière des formulations récurrentes, “il faut faire avec”, “il va falloir
vous y faire”, exprimées sans signes apparents de compassion ou de culpabilité…

On ne voit pas. On n’écoute pas. On ne sait pas. On ne veut pas… Le cœur ne parle pas.

“Purs sont les sentiments qui nous rassemblent et nous élèvent” écrivait le poète¹. Ces sentiments ont été récemment pour moi présents dans de beaux moments de partages avec des pédiatres et des jeunes chercheurs. Pour une médecine à réparer. Une médecine à inventer. “Impur au contraire serait le sentiment qui ne pourrait impliquer qu’une face de notre être et par là nous déformer. Soyez attentifs à tout ce qui se lève en vous et mettez-le au-dessus de tout ce que vous remarquez autour de vous.”¹

“Nous nous battons pour que l’Homme ne soit pas écrasé par la masse aveugle”,
revendiquait Antoine de Saint-Exupéry dans sa très belle lettre aux Américains.

“Nous nous battons pour que chacun voit bien clairement les causes du malaise présent”, avertissait déjà Robert Debré². Et le grand pédiatre visionnaire d’ajouter : “J’aurais voulu que mes enfants, leurs enfants et les enfants de leurs enfants ne s’abandonnent point à la déchéance, mais soient animés par une volonté de renaissance… Combattre ? Certes. Se résigner ? Non. Espérer le redressement, c’est croire en la vie.”

1 Rainer Maria Rilke. Lettres à un jeune poète, 1929.
2 Robert Debré. Ce[...]

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À propos de l’auteur

Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Robert Debré, PARIS.