Pourquoi les adolescents sont-ils autant attirés par les comportements alimentaires “déviants” ?

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L’adolescence est l’âge de l’idéalisme et donc du “fourvoiement présomptueux”, pour reprendre une expression magistrale de Ludwig Binswanger à propos du schizophrène et de son rapport altéré à la réalité [1]. Croyances absolues, engagements parfois extrêmes, impatience, volonté d’en découdre, de balayer l’ordre existant : l’adolescent lui aussi trouve la réalité terne et décevante et aspire à la modifier, au moins par la pensée.

Cette révolte idéaliste permet bien sûr de s’affirmer, de se poser en s’opposant. Elle constitue généralement une simple étape de la vie, nécessaire pour accepter la réalité telle qu’elle est, sans forcément se résigner, comme la majorité des adultes, à ses aspects les moins ragoûtants. Mais avec la disparition des grandes luttes politiques et sociales, les adolescents n’ont plus grand-chose à se mettre sous la dent. Les seules nobles causes qui leur restent à défendre sont les luttes jumelles contre le réchauffement climatique et contre la maltraitance animale, causes aussi incontestables et fédératrices qu’abstraites et mal définies.

La promotion récente des “droits” des animaux est venue justement compliquer le rapport déjà complexe que les adolescents entretiennent avec la nourriture. On sait que le comportement alimentaire est le plus souvent révélateur de l’identité profonde de la personne et qu’il peut aisément être empreint de culpabilité. S’ajoute à cela l’aspect ordalique de l’alimentation chez les adolescents, qui ignorent toute mesure et hésitent entre excès et défaut. La notion médicale de troubles du comportement alimentaire est sans doute trop descriptive et générale pour rendre précisément compte de ce que l’on pourrait appeler le malaise face à l’alimentation[...]

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À propos de l’auteur

Professeur de philosophie et d’éthique appliquée, PARIS.